Autoportrait d'une mascarade
“- Avez-vous des idées noires?
- De quelles couleurs sont vos pensées, docteur? Les miennes vont du gris anthracite au noir ébène. Quant à la mort, je la vois rose, et elle exerce sur moi la séduction de ses nuances pastel.”
Le sexe des femmes, Juliette Rousseau
AUTOPORTRAIT D’UNE MASCARADE
“C’est ma préférée, me dit Mamie.
Je sais. Tu me l’as déjà dit.”
Je guette son arrivée à l’horloge de la cuisine.
J’ai rapporté du champagne et des tranches de saumon. Je laisse trainer les morceaux de papier cadeau déchiré.
Elle frappe trois coups, ne retire pas son bonnet, elle a encore deux autres personnes après. Elle pose ses clés et son manteau sur la table que j’ai dressée et n’accorde aucun regard à mon imposture: célébrer Noël un 16 décembre dans cet appartement devenu Ehpad.
Je raconte les dernières bêtises des enfants, je parle fort, rappelle le nombre insensé de kilomètres que j’ai fait pour venir. « Si tu n’habitais pas si loin aussi Mamie! », je dis en me tournant vers elle.
Comme projetée devant le miroir du monstre que je suis; je ne suis plus à la conquête du coeur de ma grand-mère mais de celui de son aide-soignante.
La culpabilité me dévore, alors même qu’elle m’engloutirait de ne pas être ailleurs si le vrai soir de Noël j’étais ici.
Qui cette femme sacrifie t-elle sur l’autel de la culpabilité pour subvenir aux besoins de nos familles ? Où, et par qui est-elle attendue? A t-elle le choix?
Je fais un point avec elle sur le planning pour lui montrer que je m’investis.
Bonnet sur la tête, elle repart, les bras chargés des alèses usagées à jeter.
Je retourne à ce qui m’incombe et aide ma grand-mère à se mettre dans son lit. Je remonte les draps et la couverture sur son menton et lui laisse la télé allumée avec un minuteur pour 240 minutes.
Je lui demande si elle a le moral. Elle me répond: “tu m’amèneras les enfants la prochaine fois ?” Je lui dis que je fais mon possible, “nous vivons à 600 km de toi”. Elle me dit : “au moins une fois ?”.
C’est vrai qu’il ne nous reste peut-être qu’une fois. Et je ne sais pas combien de temps encore durera ma pathétique mascarade.
LA CLAIRVOYANCE DES FOLLES REÇOIT LA BOURSE ADAMI
L’Adami soutient directement les artistes-interprètes avec pour objectif de les aider personnellement à développer leur projet.
C’est avec une joie immense que mon spectacle, La clairvoyance des folles, reçoit la bourse “Première fois” de l’Adami. Cela va me permettre de financer les prochaines résidences chantiers prévues en 2025 et de continuer mon travail de recherche et d’écriture au plateau.